Eh non, ce billet ne traite pas du concours des plus belles fesses, mais de littérature!

Dans le cadre de la dernière Fureur de lire à  Genève, j’ai eu la chance d’entendre l’écrivain Chinois Mo Yan, dans une conférence avec ses traducteurs Liliane et Noël Dutrait, de l’Université de Provence. La présentation a eu lieu dans le très joli Musée des Arts asiatiques, Collections Baur, devant un auditoire d’une soixantaine de personnes, à  90% féminin ;-)

Cette rencontre était passionnante à  plus d’un titre. L’écrivain décrivit son parcours, expliqua comment il écrivait, dévoila un peu de son passé. S’il décrit aussi bien les scènes de la vie rurale, la vie des animaux, c’est qu’il a passé de longues heures à  garder les troupeaux. Grand lecteur, il a lu tous les classiques de la littérature chinoise et étrangère. Voltaire n’aurait plus de secret pour lui! Ses romans, il les a d’abord écrit dans sa tête, dans les nombreuses heures durant lesquelles il montait la garde du temps où il était dans l’armée chinoise. Il écrit désormais à  la main, délaissant les ordinateurs offerts généreusement par des constructeurs informatiques, parce qu’il va plus vite avec un stylo. Au début de sa carrière d’écrivain, les auteurs chinois étaient rémunérés au nombre de caractères. Ce n’est plus le cas aujourd’hui!

Les deux traducteurs ont expliqué leur méthode de travail, décrit les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Ils font partie des traducteurs qui ne se contentent pas de traduire une langue, mais défendent la position créatrice du traducteur. Traduit littéralement, l’ouvrage de Mo Yan aurait dû s’intituler « Gros seins, grosses fesses » mais à  la dernière minute d’entente avec l’éditeur, ils ont préféré une version plus « soft » qui passe mieux en français! La version française de ce roman comprend par ailleurs des parties inédites, censurées dans la version originale.

Dans cette interview parue en 2004 dans l’Humanité, Mo Yan, paysan affamé, devenu écrivain grâce à  l’armée dans laquelle il entra en 1976, explique son parcours.

Beaux seins, belles fesses est un beau et long roman qui raconte l’attachement d’un petit garçon, dernier né d’une famille de 8 filles, pour les seins de sa mère. Il raconte aussi le monde rural chinois, la situation de la Chine, tout au long du XXème siècle. Les notes de lecture sur En noir et bleu ou encore sur Lecture & Ecriture donnent vraiment envie de découvrir le livre durant les prochaines vacances.

Le titre n’est pas seulement dû à  la fixette sexuelle du fils de cette famille aux mâles si peu reluisants. Beaux seins, belles fesses, ce sont les caractéristiques des filles de la famille Shangguan. Et quelles filles ! D’abord, il y en a eu 8, pour un seul fils, alors que seul le garçon était désiré, au point que les noms des filles étaient tous synonymes de «en attendant le garçon» ou «pour faire venir le garçon» etc. et quand il fut venu, le garçon, eh bien, je vous dirai seulement qu’elles n’ont pas été déçues.

Toutes plus extraordinaires aussi les unes que les autres, ces huit sœurs. Quand elles ne sont pas Immortelles Oiseau (avec un succès relatif), elles épousent des hommes hors du commun. C’est sans doute pour faire pendant à  leur mère qui est vraiment loin, bien loin d’être n’importe qui.

Ce roman fleuve, saga familiale, semble être le récit de la vie de ce fils. Il semble être raconté par lui (par moment) ou par quelqu’un qui serait près de lui, mais en fait, si on y réfléchit bien je soutiens que c’est plutôt le récit de la vie de sa mère, et en second lieu de ses sœurs et encore, le récit de la vie en Chine durant ces terribles presque cent ans. Tout est raconté sans commentaire. Mo Yan nous livre l’histoire. C’est à  nous de voir ce que nous pensons de tout cela.

Mise à jour 11.10.2012

Ce jour, le prix Nobel de littérature a été attribué à Mo Yan! pour « son réalisme hallucinatoire », a annoncé l’Académie suédoise, qui relève qu’il « unit conte, histoire et le contemporain ». (cf Le Monde)
Une raison de plus pour lire son œuvre!